Dans Legends of the Round Tables, la musique est au service d'une histoire narrée, une histoire médiévale pour 2023. Notre démarche est inspirée de l’esprit médiéval : nous avons puisé dans des sources historiques et les avons réinterprétées pour créer nos propres récits. Nous voulions qu'en jouant LotRT, vous ayez l'impression d'être à une soirée de conte, dans un château, au coin du feu!
La voix de la narratrice guide le joueur à travers le jeu. Elle raconte les aventures par un mélange de déclamation et de chant. Sa voix passe de l’une à l’autre, avec fluidité, comme cela se faisait au Moyen-Âge. De plus, chacune de nos aventures est introduite et conclue par une cinématique accompagnée d’un chant agrémenté de musique, qui narre l'histoire. Pour cela, nous avons adapté des mélodies existantes, tirées ou inspirées du répertoire allant de 1000 à 1400.
Les manuscrits où l’on notait les mélodies de chants vernaculaires au Moyen-Âge ne donnent qu'une ligne de chant (mélodie principale sans musique de fond ni rythme). De plus, les parchemins nous sont bien souvent parvenus, usés ou déchirés, en raison de l’assaut du temps. Heureusement, les lacunes laissent place à l'improvisation, ce qui est tout à fait dans l’esprit de l'époque! Le choix des airs s’est fait selon l'émotion et l'ambiance que nous voulions transmettre au moment où la chanson sera jouée dans l’aventure. Par exemple, un moment de tristesse nécessite une musique plus lente et plaintive, un contexte de tournoi, une musique plus rapide et épique. Nous avons ensuite écouté des interprétations contemporaines de musiciens spécialistes qui rejouent ces mélodies au plus près de ce qu’elles pouvaient sonner.
Parfois, nous avons utilisé des musiques qu'Anne Azéma, ou la Boston Camerata, pour ses concerts, a commandées à des compositeurs spécialistes du Moyen-Âge. À partir de là, nous avons réutilisé et adapté ce matériel pour le jeu. Parmi ces musiques, on peut citer des extraits du programme créé par Anne Azéma pour illustrer le poème médiéval du Tournoi de Chauvency.
Vient ensuite la phase d’écriture des chants. Nous avons remplacé les paroles d’époques par celles que nous voulions transmettre, ou les avons créées à partir de rien lorsqu’un air n’avait pas de paroles. Les enjeux étaient multiples, de la communication des informations essentielles à l'évocation d'émotions, tout en respectant les règles poétiques. Pensons au nombre de syllabes à respecter par vers, aux rimes, à la structure du chant découpé en strophes et où chacune d’elles correspond à une unité de sens, et donc à une seule idée. Du côté purement musical, les accentuations nécessitaient que certaines syllabes soient placées sur certaines notes. Nous avons néanmoins pu ajuster la musique (changement de tempo, de rythme ou même simplification de la mélodie) pour rendre l'intégration des paroles plus facile. La traduction anglaise, en plus de celles énoncées plus hauts, avait d’autres contraintes ! Souvent, pour conserver le rythme et les accentuations, notre traductrice devait s’éloigner d’une traduction littérale pour aller vers une réécriture qui conservait les grandes idées et les émotions. Il fallait aussi garder les rimes, mais selon un modèle souvent différent. De plus, comme l’anglais a plus de consonnes qu’en français, cela a constitué une difficulté supplémentaire. Pour notre traductrice, c'était un véritable défi, mais aussi stimulant et créatif.
Lors de nos tests, nous nous sommes rendu compte que le prélude de la première aventure était peut-être un peu trop long pour garder l'attention du joueur. Heureusement, l’approche d’interprétation d’Anne qui mélange voix chantée et déclamée au sein d’un même chant a bien dynamisé l'ensemble. Pour cela, il a fallu déterminer la hauteur de voix la plus adéquate, car la voix chantée étant souvent plus aiguë que la voix parlée, la transition de l’une à l’autre devait se faire le plus naturellement possible.
Afin de synchroniser le chant et l'image, nous avons mis en place un système qui a permis à Anne de chanter devant un écran diffusant le jeu avec des points de repère, comme cela se fait pour les musiques de film.
Enfin, pour faire une musique interactive, nous avons eu à morceler la musique du jeu, une stratégie fréquente dans les jeux vidéo, mais une nouveauté pour certains musiciens habitués à jouer surtout en concert ou en enregistrement classique. Dans un même temps, l’enregistrement de passages musicaux isolés a facilité les transitions avec les différentes musiques du jeu, via l'intégration dans l'intergiciel Wwise. Le rôle de la narratrice chanteuse et de ses collègues a été de lier tous ces éléments, et d'en faire une nouvelle narration de LoRT en musique, une nouvelle performance.
Malgré ces défis, nous avons réussi à marier des éléments médiévaux préexistants, avec des textes contemporains et de nouveaux éléments musicaux, tout en préservant les formes poétiques et musicales d'origine.
Tout ce travail mène à un beau résultat que vous pouvez écouter juste ci-dessus. Nous espérons que ce bref aperçu de ce qui a nourri notre passion montre à quel point LotRT est spécial et unique!
Clélia & l'équipe d'Artifice Studio